1 - Sirventes :
Au XIIIème siècle, le Sirventes est une forme de poésie lyrique à caractère satirique, philosophique ou moral.
Parmi la centaine de pièces composée par l’un des maîtres du trobar occitan Peire Cardenal, «Un sirventes novel volh comensar»,
est l’une des trois seules dotée de notation musicale.
Véritable manifeste politique, cet authentique pamphlet voit notre poète du Puy-en Velay prendre directement Dieu à partie
en remettant en cause le fondement même du jugement dernier, se ralliant ainsi aux thèses cathares prônant, elles, le salut universel.
Le second thème du morceau, «El cant de la Sibilla», oracle de la fin du monde, évoque quand à lui cette vision du jugement dernier
dans l’imaginaire populaire catalan du XIVème siècle.
2 - Cantiga 105 :
Composées autour de 1250 sous l’égide du roi de Castille Alfonso X El Sabio,
les quelques quatre cents Cantigas de Santa Maria s’inspirent directement de la forme poétique et lyrique du trobar occitan.
Transfigurant ici les thèmes classiques du fin’amor en amour marial,
ces chansons en langue vernaculaire mettent le plus souvent en exergue la femme rêvée, idéalisée.
Certaines mélodies témoignent quant à elles de la coexistence des trois cultures :
chrétiennes, juives et musulmanes, que ce soit sur les terres du sud de la France comme sur celles de la péninsule ibérique.
3 - Zendani :
Les zendani sont des chansons traditionnelles algériennes.
De transmission orale séculaire, leur origine remonte au califat ommeyyade d’Al-Andalus. Interprétées le plus souvent par des femmes,
à l'occasion de fêtes familiales, ou par des orchestres féminins (El Messama ou m'ssemaâte) lors de représentations publiques,
les thèmes abordés sont universels : l’amour, l’absence de l’être aimé, le désir...
Un hommage tant à la féminité donc, qu’aux liens ancestraux unissant Orient et Occident.
4 - Djali I Ri :
Originaire d’Albanie, cette mélodie populaire est traditionnellement interprétée à la Gaïda,
cette cornemuse emblématique des Balkans et incontournable des musiques profanes d’Europe centrale.
Il nous semblait essentiel de donner un exemple de l’étendue de la répartition des cornemuses dans le monde occidental,
et ce jusqu’aux portes de l’Orient.
François délaisse ici la veuze en la au profit de la veuze en sol, au timbre plus profond,
dont on peut prendre toute la mesure durant cette longue introduction en solo.
5 - Imperayritz :
Tiré du fameux Llibre Vermell de Montserrat, en Catalogne, recueil de chants de pèlerinage à la vierge noire datant du XIVème siècle,
«Imperayritz de la Ciutat Joyosa» est un motet à deux voix inspiré du système de notation de l’Ars Nova français.
Même si le thème évoqué est sacré, le texte en catalan en fait l’une des premières polyphonies profanes.
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6 - Nine Sticks :
Ce morceau s’articule autour de la Cantiga de Santa Maria n°9 avec une citation de la cantiga 105,
déclinée autour d’une signature rythmique originale à 5 temps.
Ce choix artistique traduit une volonté personnelle de s’approprier un
thème musical commun, en laissant s’exprimer sans entrave
un certain
anticonformisme, une liberté de ton accordant toute sa place à l’énergie
créatrice propre à l’interprète contemporain.
7 - Esther de Loor :
La Cantiga de Santa Maria n°340 autour de laquelle ce morceau est construit, fait partie de ces Cantigas de Loor (cantigas de louange)
établies sur la forme du virelai français, qui évoque à la fois la danse et le refrain.
Ce refrain en forme de réponse pouvant ainsi être aisément repris en chœur par l’assistance, d’autant plus facilement que le texte, en langage courant, est accessible à tous.
Esther Lamandier enregistra cette cantiga agrémentée d’un long prélude à la vièle afin de ponctuer son interprétation vocale.
Elle renoua ainsi avec une tradition toujours pratiquée en Orient, comme dans nombre de régions occidentales,
où l’artiste indique de cette façon l’échelle ou le mode dans lequel il va évoluer.
L’intégralité de ce prélude est ici reprise dans son climat rythmique et chromatique original.
8 - Cantiga 97 (et 92, 295):
Une suite de trois cantigas donc, où s’affirme plus encore le caractère dansant de ces compositions.
Un document daté de 1293, peu de temps après la mort du roi Alfonso, recense trois danseuses parmi la vingtaine de musiciens
employée au château.
La musique des Cantigas de Santa Maria fût également influencée par des musiciens de passage, dont plusieurs Français
fuyant la croisade des Albigeois et trouvant ainsi refuge à la cour du Roi.
9 - Gnossiennes :
Composées à Montmartre en 1890 par Erik Satie, les Gnossiennes, au travers de leur caractère singulier,
laissent transparaître par un savant accord d’élégance et de retenue, toute la sensibilité de leur auteur.
Sensibilité empreinte de spiritualité, spiritualité confinant parfois à l’ésotérisme,
teinté néanmoins du détachement salutaire au regard malicieux que Satie portait sur toute chose.
La Gnossienne n°3 sert d’introduction et de conclusion à la Gnossienne n°1.
Arranger pour deux veuzes cette musique initialement écrite pour le piano n’est pas sans comprendre une certaine part de risque.
Un risque pleinement assumé qui apporte avec conviction un nouvel éclairage à l’oeuvre ainsi recréée
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